Pétrole, charbon et gaz naturel : du rêve à la réalité

Le premier choc pétrolier, en 1973, a fait prendre conscience aux occidentaux de leur grande dépendance vis-à-vis du pétrole. Les pays ont donc souhaité par la suite réduire progressivement cette dépendance. Par ailleurs, en 1997, le protocole de Kyoto a permis de prendre officiellement conscience du problème lié aux émissions de gaz à effet de serre et de l’impact qu’elles ont sur le climat. L’utilisation des combustibles fossiles (pétrole, charbon et gaz naturel) est responsable de plus de 80% des émissions de CO2 aussi plusieurs pays essayent de réduire celles-ci en substituant les combustibles fossiles par d’autres sources moins émettrices. Cette tendance s’est accélérée ces dernières années en se concentrant notamment sur l’habitat et les transports mais on est encore loin du compte pour que cette réduction ait un impact visible.

Pour ce qui est des combustibles fossiles, le pétrole domine les transports et plus de 40% de l’électricité mondiale est encore produite à partir du charbon. Le gaz naturel est une source d’énergie de plus en plus utilisée pour produire de la chaleur ou de l’électricité. L’avantage du gaz naturel par rapport aux autres combustibles fossiles est que sa combustion émet beaucoup moins de CO2 (environ deux fois moins que le charbon). Remplacer une centrale de production d’électricité fonctionnant au charbon par une centrale au gaz naturel permet par exemple de diminuer les émissions d’un facteur de l’ordre de 2.

Dans cet article nous allons montrer, à partir des données de l’Agence Iinternationale de l’Energie (www.iea.org), que loin de diminuer notre consommation de pétrole, de charbon et de gaz naturel, celles-ci n’ont fait qu’augmenter entre 1973 et 2016, soit sur 43 ans.

Le point de départ sont les figures 1 et 2 qui montrent la répartition de la production d’énergie primaire selon les sources en 1973 et 2016. En 1973, la production totale d’énergie primaire était 6,10 Gtep (1 Gtep=1 milliard de tonnes équivalent pétrole). Elle est passée à 13,76 Gtep en 2016.




Figure 1. Répartition de la production d’énergie primaire selon les sources d’énergie en 1973 (données de www.iea.org)



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Figure 2. Répartition de la production d’énergie primaire selon les sources d’énergie en 2016 (données de www.iea.org)

On voit que la contribution des énergies fossiles (pétrole, charbon et gaz naturel) à l’énergie primaire totale diminue de 86,7% en 1973 à 81,1% en 2016. En 43 ans la contribution des combustibles fossiles a ainsi diminué de 5,6% ce qui représente une réduction moyenne de 0,13% par an. Même si cela peut paraître encourageant, il n’y a pas lieu de se réjouir d’une si faible réduction. Il est vrai que la contribution du pétrole au bilan global a baissé de 14,3% mais, parallèlement, la contribution du charbon augmenté de 2,6% et celle du gaz naturel de 6,1%. On a bien -5,6= 2,6+6,1-14,3. Une partie de la réduction de la consommation de pétrole a été annulée par l’augmentation de la consommation en gaz naturel et en charbon.

Pour voir si l’on réellement diminué la consommation de combustibles fossiles, ce qu’il faut considérer c’est leur évolution en valeur absolue. C’est ce que montre la figure 3 pour le charbon, le pétrole et le gaz naturel. La barre bleue est relative à la production de 1973 (on a 1,5 Gtep pour le charbon, par exemple). Le haut de la barre rouge indique la production en 2016 (3 Gtep pour le gaz naturel, par exemple). Le rectangle rouge représente l’excédent de production entre 1973 et 2016. Ce rectangle rouge ne devrait pas exister si l’on avait réduit la consommation en 2016 par rapport à celle de 1973. Ainsi, si l’on considère le pétrole, on est passé de 2,8 Gtep en 1973 à 4,4 Gtep en 2016, soit une augmentation de 1,57 Gtep. Il n’y a donc pas eu de réduction de la consommation de pétrole entre 1973 et 2016 mais une augmentation ! Il en est de même pour le charbon et le gaz naturel.





Figure 3. Production de charbon, pétrole et gaz naturel et du charbon en 1973 et 2016. La barre en bleue correspond aux chiffres de 1973 et le haut de la rouge est associé à l’année 2016. La partie rouge correspond à l’augmentation entre 1973 et 2016. (données à partir de www.iea.org)

La figure 4 montre, en pourcentage, l’augmentation du charbon, du pétrole et du gaz entre 1973 et 2016. Elle est de 55,7% pour le pétrole, de 149,5% pour le charbon et de 211,5% pour le gaz naturel. On est donc loin d’une diminution de la consommation en combustibles fossiles contrairement à ce que l’on voudrait faire croire. Pendant cette période, les énergies renouvelables (hors hydraulique et biomasse, c’est-à-dire essentiellement l’éolien et le solaire) ont augmenté de 3734,4% mais leur contribution a été loin de pouvoir satisfaire l’augmentation des besoins en énergie pendant cette période.





Figure 4. Pourcentage d’augmentation du charbon, du pétrole et du gaz entre 1973 et 2016 (données à partir de www.iea.org )

On peut conclure de ces chiffres qu’en quatre décennies on a fortement augmenté notre consommation de combustibles fossiles et que l’on aura encore besoin d’eux pendant longtemps. La réduction des investissements voulue ou imposée dans ce secteur ne peut que rendre ces sources d’énergie plus rares et plus chères ce qui plongera, au niveau de la planète, un grand nombre de personnes dans la précarité énergétique et même dans la précarité tout court. Même si l’on disposait des chiffres de 2021, la tendance exposée resterait inchangée. Le rêve de diminuer la consommation de combustibles fossiles s’écrase donc sur le mur de la réalité.