Combien faudra-t-il d’électricité pour les voitures électriques ?

L’Europe souhaite faire disparaître les voitures thermiques au profit des voitures électriques. Ces dernières ont l’avantage de beaucoup moins polluer localement et de délocaliser la pollution vers les centrales productrices d’électricité. Dans les conditions de circulation actuelles, les voitures électriques n’ont que des avantages par rapport aux véhicules thermiques. Elles ont toutefois un gros inconvénient : le temps de recharge de la batterie. Alors qu’on peut faire le plein d’une voiture thermique en quelques minutes il faut des heures pour faire le plein d’une batterie lithium-ion. Pour parcourir de grandes distances c’est donc un problème majeur. Actuellement, le faible nombre de bornes de recharge et le fonctionnement parfois défectueux de certaines d’entre elles peut transformer en calvaire un voyage sur une longue distance. La force d’une marque comme Tesla a été de considérer dès le début à la fois la conception des voitures et celle du réseau de bornes de recharge associé.

Pour réduire les émissions de CO2, l’Europe voudrait que les constructeurs ne produisent plus que des voitures zéro émission à partir de 2035. Ce qui veut dire que cela doit être des voitures électriques ou à hydrogène. Cela élimine les véhicules hybrides rechargeables qui pourtant permettent de parcourir de grandes distances sans avoir besoin de se recharger et qui sont une bonne solution intermédiaire. En effet, comme la majeure partie des distances parcourues sont des courtes distances, la voiture hybride rechargeable fonctionne à l’électricité. Pour les grandes distances, le moteur thermique prend le relais quand la batterie est déchargée.

Cette transition énergétique des véhicules thermiques vers les véhicules électriques voulue par l’Europe, et notamment la France, va fortement affaiblir l’industrie automobile européenne et précipiter beaucoup de gens dans le chômage. La batterie représentant une part importante du coût de fabrication de la voiture (presque jusqu’à la moitié mais les prix baissent régulièrement) est maîtrisée par l’Asie.

La voiture électrique permet de reporter les émissions de CO2 vers la centrale de production d’électricité. Celles-ci dépendent du parc électrique utilisé par le pays. On a une moyenne de 55 g de CO2 émis par kWh d’électricité produit en France, de 400 g en Allemagne et de 790 g en Pologne qui produit la majeure partie de son électricité avec du charbon (l’utilisation d’une Zoé en Pologne émet plus de CO2 qu’une Clio à essence qui en émet quant à elle plus qu’une Clio diesel).

Si le parc de voitures électriques augmente, on va avoir besoin de plus d’électricité si bien qu’il est intéressant d’en évaluer la quantité pour la France. Pour cela nous avons besoin de quelques données. Tous les chiffres que nous allons donner doivent être pris comme des ordres de grandeur mais ne devraient pas changer la conclusion.

Avec une voiture moyenne et une conduite souple, il faut environ 150-200 Wh/km, soit 15-20 kWh/100km. Pour prendre des exemples concrets, une Zoé consomme environ 16,5 kWh/100km ; une Tesla 18 kWh/100km à 90 km/h, 21 kWh/100km à 110 km/h et 24 kWh à 130 km/h.

Une consommation de 150 Wh/km pour un moteur thermique avec un rendement typique de 20% donne une consommation d’essence de 7,5 litres/100km (1 litre d’essence c’est environ 10 kWh).

Un moteur électrique a un rendement proche de 100%. De plus on récupère de l’énergie au freinage et aux décélérations, typiquement de l’ordre de 20%. On a donc besoin de 12-16 kWh/100km. Pour les grandes distances la récupération est faible et la consommation à vitesse élevée importante. Prenons donc pour évaluer la quantité d’électricité nécessaire au niveau de la France une consommation de 18 kWh/100 km. L’ensemble des véhicules individuels parcourent 450 milliards de km chaque année en France. Si le parc est entièrement électrique et la distance parcourue du même ordre, il faut 81 TWh d’électricité pour l’ensemble des batteries. Le rendement de charge est d’environ 85%. De plus, il y a de l’ordre de 8% de pertes entre la centrale de production électrique et l’utilisateur ce qui fait un rendement global de 77%. Il est donc nécessaire de produire 105 TWh/an pour les voitures électriques (la production d’électricité française 2019 était proche de 540 TWh). Cela représente une augmentation de près de 20%. À cette demande s’ajoutera la consommation des pompes à chaleur pour le chauffage et la climatisation qui vont être de plus en plus installées et utilisées au niveau national.

S’il n’y a que 40% de véhicules électriques d’ici 2030, il faudra quand même 40 TWh pour les alimenter. À ceci s’ajoute de problème de la puissance disponible. Il y avait 38,2 millions de voitures en 2020. Si, pour un parc de 40 millions de voitures électriques, 20% d’entre elles se rechargent la nuit de 100 km seulement sur une prise domestique, il faudrait une puissance supplémentaire disponible de 17,5 GW en supposant une bonne répartition des charges au cours de la nuit (2 fois 6h, 19h-1H et 1H-7H).

En conclusion, l’introduction de voitures électriques à grande échelle va nécessiter de nouveaux moyens de production. Une bonne partie d’entre eux doit être pilotable. On ne peut donc pas se reposer complètement sur des énergies intermittentes comme l’éolien ou le solaire. En effet, il peut ne pas y avoir de vent pendant une longue période si l’on est dans un anticyclone et on ne peut pas bloquer les déplacements à cause de cela. L’hiver, les températures sont basses. Les batteries sont moins efficaces (on peut perdre 40% d’autonomie lorsqu’il gèle) et on a besoin de chauffage ainsi que d’autres accessoires consommant de l’électricité. Pendant cette période hivernale, le rayonnement solaire est faible et limité à quelques heures. Si l’on veut éviter de produire de l’électricité sans émission de CO2, c’est-à-dire en n’utilisant pas les combustibles fossiles (charbon, gaz naturel ou pétrole), il faut absolument s’appuyer sur l’énergie nucléaire (il faudrait environ 8 réacteurs EPR si toutes les voitures étaient électriques). Avec seulement l’éolien et le solaire, on voyagera au gré du vent et du soleil, c’est-à-dire en fonction des conditions météorologiques. C’est une situation que nos ancêtres connaissaient mais que nous avons oubliée.